Savoir-faire lyonnais et particularités
Guignol
Les cartes à jouer au 16e siècle
Le jeu de cartes apparaît à la fin du Moyen Âge. Originaire d’Extrême-Orient, il serait parvenu en Europe par les routes commerciales des épices et de la soie. Au 16e siècle, Lyon est avec Rouen le grand centre d’exportation de la carte à jouer française !
Au 16e siècle, le fabricant de cartes, dit aussi « tailleur d’histoires », « tailleur de molles de cartes » ou « fayseur de cartes à jouer », prend définitivement l’appellation de cartier. À cette époque la profession se hiérarchise et se règlemente : on devient apprenti, compagnon, puis maître.
En 1612, les cartiers s’érigent en confrérie et se réunissent à Lyon dans une chapelle du couvent de Notre-Dame de Confort. En 1614, 13 maîtres cartiers lyonnais y rédigent les premiers statuts de la profession : exigences de qualité, protection de la propriété intellectuelle du cartier par l’obligation de faire figurer sa marque sur la carte du valet de trèfle. D’autres statuts suivent au fil des ans.
Grâce à la technique de la xylogravure (gravure sur bois), les figures sont gravées sur une tablette de bois appelée « molle de carte » et sont regroupées en 4 rangées de 5 cartes. Les valets occupent souvent la première place, en haut à gauche. L’empreinte de l’image est ensuite imprimée sur une feuille de papier.
Quatre feuilles de papier contrecollées composent une carte et lui donnent sa texture cartonnée : la feuille de « papier trace » reçoit l’impression, deux feuilles de « papier de mesclage » rigidifient le tout, et une feuille de « papier cartier » constitue le dos de la carte. Une fois imprimées, les cartes sont peintes à la main au pochoir puis découpées. Enfin, la face imprimée est recouverte de savon et passée au lissoir.
Dans les différentes villes, les cartiers adoptent tacitement des détails communs. Ainsi on peut distinguer les cartes fabriquées à Marseille ou à Paris. On dit qu’elles sont au « portrait ». Le « portrait de Lyon », ébauché dès le 16e siècle, présente les caractéristiques suivantes :
- Les rois portent un sceptre fleurdelisé, le roi de cœur portant aussi un perroquet et le roi de trèfle un globe crucifère ;
- Les dames de cœur et de pique ont un sceptre ;
- La dame de carreau tient une fleur de tournesol :
- Le valet de pique, coiffé d’un casque à visière, est armé d’une hache.
À une époque où le papier est rare et cher, les cartes à jouer usagées peuvent servir de support. Leur dos sert à noter des indications de toute nature. Ainsi, certaines cartes conservées au MHL portent des inscriptions semblant indiquer qu’elles ont servies de cartes de visite ou publicitaires à certaines professions (traiteurs, teinturiers, marchands…).
Bertrand Tournan, Piano-forte, 1777, Inv. 37.475
Ce piano-forte, signé « Tournan 1777 », est une pièce rarissime puisqu’il est l’un des plus anciens fabriqués en France. Il témoigne du dynamisme de la vie artistique et intellectuelle à Lyon au 18e siècle.
En effet, Bertrand Tournan, facteur de clavecin de 1772 à 1779 à Lyon est référencé comme l’un des deux seuls facteurs français de piano-forte en 1777. Au 18e siècle, Lyon est réputée pour ses facteurs de clavecin, comme Pierre Donzelague dont le Musée des Arts Décoratifs de Lyon conserve un exemplaire.
Contrairement au clavecin, le piano-forte est un instrument à cordes frappées et non plus pincées. C’est vers 1700, en Italie, que Bartolomeo Cristofoli met au point un système d’échappement des marteaux, créant ainsi le piano, dénommé à l’origine « gravicembalo a forte e a piano » (littéralement « clavecin avec du fort et du doux »). Cette invention se répand progressivement en Europe durant le 18e siècle et arrive tardivement en France.
Le piano-forte traditionnel est relativement encombrant et onéreux. Les pianos dits « carrés », comme celui de Tournan, dont la disposition des cordes permet un gain de place, font leur apparition dans les années 1760. On ne connait pas aujourd’hui d’autres exemples de piano-forte de Tournan. Était-ce un simple coup d’essai ? Ou la période révolutionnaire donne-t-elle un coup d’arrêt à la production lyonnaise ? Quoi qu’il en soit, cet instrument témoigne de la créativité de la manufacture de clavecins à Lyon au 18e siècle.