Bâtisseurs de Lyon

Jean-François Legendre-Héral, Tête d'Henri IV, calcaire - © Xavier Schwebel

Renaud de Forez

L’homme fort au Moyen Âge à Lyon, c’est lui : l’archevêque. Dans une ville sans prince, le primat des Gaules domine la ville par son pouvoir spirituel mais aussi temporel. Nommé en 1193 à Saint-Jean, Renaud de Forez est à la tête d’une véritable principauté ecclésiastique. Issu de la grande famille des Comtes des Forez, il engage une politique de constructions militaire à Lyon. 

Renaud de Forez entreprend ainsi vers 1226 la construction du château de Pierre-Scize. Cette véritable forteresse construite sur un éperon rocheux dominant la Saône sert à la fois de prison et de résidence aux archevêques qui lui succédent. Il permet également la surveillance de l’entrée nord de la ville, située sur la rive gauche de la Saône, jusqu’à sa destruction en 1793. 

Jacques-Germain Soufflot (1713-1780)

 

Le grand architecte du siècle des Lumières à Lyon, c’est lui : Jacques-Germain Soufflot.

Originaire d’Irancy, en Bourgogne, il se forme à Rome avant de rejoindre Paris, puis Lyon où il reçoit de nombreuses commandes de 1738 à 1749. Il est chargé d’agrandir l’Hôtel-Dieu, pour lequel il dessine une façade monumentale. Il imagine un grand dôme, mais souvent appelé à Paris, ce sont ses élèves qui sont chargés du suivi du chantier. La construction du grand dôme ne respecte par le dessin d’origine. Il faut attendre sa reconstruction après les bombardements de 1944 pour qu’il retrouve l’aspect imaginé par Soufflot.

L’architecte dessine également une nouvelle loge du Change (1750) puis, sur commande du Consulat, un théâtre pour la ville. Conçu sur le modèle des théâtres italiens, le Grand théâtre de Lyon est inauguré en 1786. Il peut accueillir 2 000 personnes. Il devient vite le lieu de la haute société lyonnaise.

Soufflot signe également le dessin de plusieurs hôtels particuliers : celui du marquis de Lacroix-Laval, actuel musée des Tissus et des Arts décoratifs, ainsi que les immeubles du quai Saint-Clair. Il imagine en effet un nouveau quartier, face au pont Morand récemment construit sur le Rhône.

Soufflot incarne le mouvement du néoclassicisme à Lyon, mais aussi l’apparition d’une architecture édilitaire soucieuse d’associer à la fois l’utilité et la beauté.

Antoine-Michel Perrache (1726-1779)

 

C’est l’image d’un homme calme et souriant, visiblement confiant dans ses projets, que nous propose l’artiste Marie-Anne Perrache dans ce portait. Le sujet n’est autre que son propre frère Antoine-Michel Perrache.

Né en 1726, il est formé par son père sculpteur, devient professeur de sculpture à l’école de dessin de Lyon, et entre à l’Académie dès 1753. Il conçoit et réalise pour le Grand Théâtre, œuvre de Jacques Germain Soufflot, la décoration intérieure ainsi que les groupes de sculptures de façade.

Cependant, ce n’est pas le sculpteur qui est représenté ici mais plutôt le pionnier de l’urbanisme lyonnais travaillant sur les plans de nouveaux lotissements. En effet, Antoine-Michel Perrache a laissé son nom au projet d’agrandissement de la ville vers le sud. En 1766, il propose au Consulat le déplacement du confluent plus au sud en annexant une île. Son plan prévoit la création d’un quartier, d’une gare d’eau et d’un pont sur la pointe méridionale.

Le Consulat, frileux, ne s’engage pas dans le financement. Néanmoins, en 1770, Perrache obtient l’autorisation royale de lancer les travaux financés par une Compagnie privée. C’est sans doute entre ces deux dates, 1766 et 1770 qu’est composé ce portrait.

Et après ? Le chantier est lent, quand Perrache meurt en 1779, seule la chaussée sur le Rhône est réalisée, la compagnie fait faillite.

Il faut attendre le 19e siècle pour voir le projet se réaliser. Cependant, le nom de Perrache reste attacher au quartier et à sa gare ferroviaire.

On devine derrière l’artiste, à droite, le buste sculpté d’une enfant. Il s’agit en fait du portrait de Marie-Anne Perrache enfant, sculptée par son frère, récemment acquis par le MHL. Un joli clin d’œil d’un frère à sœur derrière le chevalet…

Jean-Antoine Morand (1727-1794)

 

La rive droite du Rhône est demeurée longtemps inondable et coupée de la ville historique en presqu’île, par un fleuve très large et impétueux.

Il faut donc attendre le milieu du 18e siècle pour que quelques esprits visionnaires imaginent comment agrandir la ville, jusque-là limitée à l’est et au sud par le Rhône.

En véritable homme des Lumières, artiste, décorateur, urbaniste, architecte et promoteur, Jean-Antoine Morand est l’un de ceux-là. Il ambitionne de franchir le fleuve grâce à un nouveau pont et propose un plan d’aménagement du quartier des Brotteaux.

En 1764, il présente au Consulat un projet de plan circulaire, le seul capable pour lui de développer une ville en conservant des distances raisonnables pour ses habitants. En 1775, il réussit à construire un pont sur le Rhône, le second après celui de la Guillotière, qui prend le nom de son créateur.

Sur la rive droite, les premiers terrains acquis auprès de l’Hôtel-Dieu sont aménagés autour de larges voies rectilignes. Mais le projet s’enlise et Morand demeure plusieurs années seul avec son épouse à vivre à l’est du Rhône, sur sa parcelle appelée Pré-Morand.

À partir de 1780, les premières parcelles sont enfin vendues et le quartier devient le théâtre de fêtes et de divertissements.

L’aménagement de la rive droite du Rhône est stoppée nette en 1793 par le siège de la ville. Guillotiné en 1794 pour avoir pris part à la défense de la ville, Morand ne verra jamais le développement de son quartier qui n’intervient qu’à partir des années 1820.

Claude-Marius Vaïsse (1799-1864)

 

Accoudé contre une commode, les binocles à la main, qui peut donc bien être cet homme en redingote ? Il s’agit de Claude-Marius Vaïsse, le grand préfet du Second Empire, le "Haussmann lyonnais".

Envoyé en 1853 par Napoléon III qui vient de supprimer la municipalité lyonnaise, Vaïsse est à la fois maire et préfet de la ville. Il est élu sénateur du Rhône l’année suivante. Ses pouvoirs sont donc immenses et l’Empereur compte sur ce nouvel homme fort pour reprendre le contrôle sur une ville à la réputation dangereuse.

De 1853 à 1864, date de sa mort, le visage de Lyon change radicalement d’apparence. Vaïsse réalise de grands travaux sur la presqu’île, détruisant les ruelles étroites héritées du Moyen Âge et du 16e siècle. Il souhaite favoriser les transports, bâtir une ville plus propre, édifier des immeubles bourgeois, mais également faciliter l’intervention de l’armée dans une ville sujette aux insurrections ouvrières.

Après l’inondation dévastatrice de 1856, il impose la création de digues et de quais insubmersibles sur le Rhône et l’interdiction des bâtiments en pisé de terre. C’est à cette occasion que le parc de la Tête d’or est aménagé, pour protéger des crues mais aussi offrir aux Lyonnais un vaste espace vert au cœur de la ville.

Édouard Herriot (1872-1957)

 

Au début du 20e siècle, Lyon, devenue grande cité industrielle (chimique, métallurgique et automobile), a la réputation de ville embrumée : elle est souvent comparée à Londres et son terrible smog. La ville connaît également une augmentation importante de sa population, liée à l’exode rural et aux différentes crises politiques internationales.

Élu en 1905, le maire Édouard Herriot engage alors une politique d’équipements modernes afin de faire de Lyon une ville propre, aérée et contemporaine. Il s’entoure pour cela de l’ingénieur Camille Chalumeau, du médecin-hygiéniste Jules Courmont et de l’architecte Tony Garnier.

Le maire et l’architecte imaginent ensemble un nouvel urbanisme respectant quatre principes : le fonctionnalisme, l’espace, la verdure et l’ensoleillement. De nombreux équipements publics sont créés (hôpital de Grange Blanche, stade et abattoirs de Gerland) et les premiers logements sociaux apparaissent dans le quartier des États-Unis.

C’est à cette époque que Lyon se dote également d’un réseau de rues et de boulevards adaptés à la circulation automobile naissante.

Homme politique de premier plan, Edouard Herriot est contraint de se retirer de la vie politique nationale et lyonnaise par la Seconde Guerre mondiale. Il retrouve son siège à la mairie de Lyon en 1945, mais les dernières années de sa vie sont marquées par un certain immobilisme.

Il décède en 1957 laissant derrière lui une ville radicalement transformée.

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