Mehdi Garrigues : « Une passion pour la marionnette »

Mehdi Garrigues à gauche, sa marionnette et Jamel Debbouze à droite.

Vous êtes attirés par le monde de la marionnette, souhaitez découvrir les coulisses de ce monde, de la conception à la fabrication puis la manipulation ? Gadagne vous propose de concrétiser cette envie lors du week-end festif, samedi 23 octobre, on vous donnant rendez-vous avec le célèbre créateur de marionnettes Mehdi Garrigues. Spécialisé dans les marionnettes de scène et de télévision, initiez-vous à la manipulation avec l'artiste.

Figure incontournable du monde de la marionnette, il a su s’implanter dans le milieu en quelques années grâce à ses créations pour le théâtre, la télévision ou le cinéma. Médiatisé pour sa collaboration télévisuelle avec Jamel dans le cadre du Jamel Comedy Kids, il réalise pour l’occasion la marionnette Michel. Il réalise aussi des muppets pour le théâtre avec Jejj Panacloc pour qui il créé le singe Jean-Marc.

Huit ans après avoir créé son entreprise, Puppet Services, il revient pour Gadagne sur son parcours.

© Mehdi Garrigues
© Mehdi Garrigues

Comment êtes-vous arrivé à devenir marionnettiste professionnel ?

C’est en partie grâce à Alain Duverne. Il m’a montré que cela pouvait être un métier à part entière. Ce qui pour moi était une passion, était un métier pour d’autres. J’avais 18 ans quand je l’ai rencontré. Je faisais déjà de la marionnette en dilettante, et il  m’a montré que cela pouvait devenir un métier. J’ai mis du temps à faire mon bonhomme de chemin, mais j’ai fini par y arriver.

Au début, je considérais cela comme des jouets. Je voyais le côté ludique. Lui, m’a fait comprendre l’aspect professionnel de la chose. Il m’a inculqué la rigueur. Après, j’ai fait mes propres expériences. C’est à la fois de la technique : des matériaux à savoir façonner, tout un tas de choses à maîtriser. Les marionnettes d’Alain, par exemple, on est presque sur de l’effet spécial propre au cinéma. C’est du latex, il y a du moulage. La personne qui fait les moules, est-elle marionnettiste ?

J’ai été beaucoup influencé par Jim Henson, le créateur des Muppets, qui est pour moi la référence. Rick Lyon, des marionnettes de l’Avenue Q et Yves Brunier, créateur des marionnettes de l’Île aux enfants. Petit, il y avait beaucoup de productions à la télévision, c’est cela qui m’a bercé.

J’ai énormément observé ce que je voyais à la télévision. Le Muppet Show : le fait que les marionnettes étaient en tissu, il n'y a aucune couture qui apparaît. Elles sont très expressives. Je m’en suis bien imprégné, après c’est de la recherche. On teste des choses, on voit ce qui fonctionne ou pas. On regarde les making-of quand il y en a. On regarde image par image, on voit qu’au fond de l’atelier quelqu’un fait un truc. Quand j’ai rencontré Alain, à 18 ans, cela faisait longtemps que j’en faisais. Il m’a montré des raccourcis, parfois je faisais un mixe entre ma technique et la sienne.

Qu’est-ce qui vous plaît dans la marionnette ?

C’est une sorte de triangle amoureux. Il y a à la fois un art dans l’écriture, un aspect fabrication et un aspect physique avec la manipulation. Ce qui est génial, c’est quand on fait les trois. Ce n’est pas toujours le cas. Parfois, on me contacte uniquement pour la fabrication, pour la manipulation ou pour les deux.

Je me suis spécialisé dans deux types de marionnettes. L'une où on met la main dans la tête et l’autre sert à faire fonctionner une main avec une baguette, comme Kermit la grenouille ou Elmo, c’est ce qu’on appelle l’arm rod puppets. Il en existe une où il faut être deux, un pour le corps et la tête et l’autre pour les bras, les live hands puppets.
Cela reste une spécialisation relative. Pour un spectacle « Les mystérieuses cités d’or », actuellement au théâtre des Variétés à Paris, on m’a commandé des ombres chinoises. Je m'adapte à la demande.

Comment concilier fabrication et jeu ?

La marionnette est une branche de la comédie. Ce qu’il faut faire, c’est du théâtre. En général en France, il y a les gens qui fabriquent et ceux qui manipulent. Moi je fais les deux. On n’est pas nombreux à faire ça, on doit être quatre. En général c’est très segmenté. Je pars du principe que si je fabrique, je dois savoir la manipuler comme un instrument. Le fait de fabriquer me donne des facilités dans la manipulation et vice-versa.

Au début, c’était la manipulation mais pour y arriver il fallut passer par l’étape de la création. Petit, je ne trouvais pas de marionnettes comme à la télévision. J’ai donc commencé à en fabriquer. Au début, cela ne ressemblait pas à grand-chose. Mais à force de travail, de ratés, de réussite, j’ai pu créer Jean-Marc à 22 ans.

Quelle est la clé pour percer ?

Être passionné. Il n’y a que ça. C’est vraiment ce que l’on appelle un métier-passion. Pour arriver à faire un Jean-Marc, il a fallu de nombreuses heures de travail. C’est un peu comme un magicien. Ce que l’on voit sur scène à l’air évident et simple mais il y a tellement d’heures de travail derrière. Comme tout métier artistique, si on est passionné, il y a des grandes chances que l’on y arrive.

Sur un Jean-Marc, il y a une centaine d’heures de travail en matière de réalisation. Sur le premier Jean-Marc il y en avait plus parce qu’on a tâtonné sur le design. Cela nous a pris du temps, il y avait tout à faire. Beaucoup de choses sont faites à la main, pas à la machine, pour ne pas voir les coutures. Les yeux prennent énormément de temps à travailler, pour le regard. Si je les règle mal, soit on dirait une autre marionnette, soit on dirait qu’il est mort. Cela se joue au micromillimètre !

Comment s’est faite votre collaboration avec Jeff Panacloc ?

Au départ, je l’ai vu sur scène et je lui ai proposé mes services. On est vraiment dans un univers assez proche lui et moi, on s’est compris assez vite.

Quand je fais une marionnette pour moi, elle est à mes dimensions. Quand c’est la main de quelqu’un d’autre, c’est déjà plus compliqué. C'est du sur du sur-mesure. C’est beaucoup de discussion avec l’artiste, comprendre son univers, où il veut aller, faire des propositions. Lui soumettre un prototype, et après on part sur la marionnette définitive. C’est un échange constant.

Un premier succès grand public…

Oui et en même temps il a été mon seul client la première année où j’ai monté mon entreprise. Par la suite, il a fallu que je développe une gamme pour pouvoir montrer aux clients mon savoir-faire. Mon master en marketing m’a beaucoup servi. Comme dans tout métier artistique, il y beaucoup de travail et une part de chance, de rencontres.

La marionnette c'est une niche. Si demain il y a 10 personnes qui veulent créer des marionnettes, je ne suis pas sûr qu’elles trouvent du travail. En ce moment, il n’y a aucune production télévisuelle avec des marionnettes. Actuellement, on doit être 5 ou 6 à en fabriquer de A à Z.

Avec Jean-Marc, on est sur une marionnette destinée à un public adulte, c’est important pour vous de toucher ce public ?

La marionnette est un outil. C’est comme le dessin animé, il y a en a qui sont pour les enfants, d’autres pour les adultes. Je préfère les marionnettes quand elles sont  adressées à des ados et des adultes. Jim Henson se battait à l’époque pour figurer dans un programme pour les adultes. Après, tout dépend de ce que l’on a envie de faire passer comme message.

Il y a une pièce de théâtre qui s’est jouée à New York pendant des années, Avenue Q, et il ne fallait mieux pas amener ses enfants, on était plus sur du South Park. D’un point de vue dramaturgique, je trouve cela plus intéressant. Avec ce médium, on peut dire beaucoup de choses que l’on ne pourrait pas dire autrement.

C’est un magnifique outil pour cela. C’est un peu ce que faisait Lafontaine avec ses fables.